29 Jan
La distance idéologique qui sépare le PS de l’UMP en matière économique et sociale n’est même plus égale à l’épaisseur du papier d’une cigarette. Ils utilisent désormais les mêmes mots pour expliquer les mêmes mécanismes afin de justifier les mêmes politiques. Désintégration du code du travail et des droits des salariés au motif de la flexibilité, ils sont d’accord. Allègements des cotisations patronales via la TVA, ils sont d’accord. La lutte des classes ça n’existe pas, ils sont d’accord, la France est en faillite, ils sont d’accord. On entend déjà tous ces militants actifs du parti social libéral rouspéter et scander que tous au PS ne pensent pas de la sorte. Sauf que le président de la république, le premier ministre, le ministre de l’économie, le ministre du budget, le ministre du travail et le ministre de l’intérieur s’inscrivent dans cette ligne libérale. Qu’ils occupent les principales fonctions de l’état. Qu’ils sont le fruit du parti social libéral. Qu’ils ont été portés au pouvoir par les militants PS eux mêmes. Alors vous nous excuserez de ne pas rentrer dans les subtilités des courants internes au PS. Le citoyen profane ne retient que les choix du gouvernement estampillé, qu’on le veuille ou non, PS.
A gauche pour de vrai! nous avons déjà argumenté sur l’erreur majeure de la “flexibilité” du marché de l’emploi. Nous avons également apporté notre point de vue sur le choc d’austérité lié au choc de la TVA anti social. Et nous avons réagi aux propos négationnistes sur la lutte des classes. Il nous restait donc à réagir aux derniers propos de François Fillon concernant la faillite de l’économie française. Pardon, nous voulions écrire Michel Sapin, vous aurez rectifié de vous même. Car la France n’est ABSOLUMENT PAS EN FAILLITE. Pour deux raisons:
- à supposer que l’on considère la dette de la France légitime, il n’en demeure pas moins que son mode de calcul est volontairement totalement erroné,
- la dette des états est hétérogène tout en étant le fruit d’une privatisation des budgets nationaux au profit des marchés financiers privés.
A ce stade, rien, mais absolument rien ne vous oblige à nous croire sur parole. Il vous faut au minimum une explication, voire une démonstration. Aussi nous nous lançons volontiers dans l’explication, voire dans la démonstration.
La manière de calculer le ratio d’endettement des états est faussée de manière tellement outrageante qu’elle finit paradoxalement par être acceptée telle la doxa imposée. En effet, lorsque l’on respecte la règle de l’art comptable, le montant d’un emprunt est toujours, oui oui, toujours, relativisé par la durée intégrale de remboursement de l’emprunt contracté. Or, la durée moyenne des emprunts de la France sur les marchés financiers privés est de 7 ans. Pourtant, les “experts” de la dette, qu’ils soient journalistes dans la presse libérale ou sociale démocrate, qu’ils soient à la cours des comptes ou dans les couloirs des QG du PS ou de l’UMP ou encore au MEDEF, divisent le montant total de la dette et de ses intérêts dus par une année de richesse produite, et non par 7 années. Le calcul donne donc 1800 milliards de dettes totale divisés par 2000 milliards de Produit Intérieur Brut d’une année ce qui correspond bien à 90% de taux d’endettement. S’il était mis fin à cette supercherie, supercherie qui sera démontrée par la suite, et que la méthode utilisée respecte bien la règle de l’art comptable, il faudrait diviser 1800 milliards de dette par 14 000 milliards de richesses créées en 7 ans. Le résultat serait alors de pas tout à fait 13%. Et ça change tout!
La dette, telle qu’elle est calculée, mériterait donc un audit sérieux. Mais la nécessité de cet audit tient d’avantage encore aux raisons qui ont conduit à l’envolé des dettes des états. Car ces raisons n’ont, en réalité, rien à voir avec une dépense exagérée des états soudainement pris d’une compulsion consommatrice incontrôlable. Ces raisons viennent d’une décision politique prise en 1974. Car en 1974 nait la loi bancaire qui interdit à l’état d’emprunter à la Banque de France à taux 0, comme c’était pourtant le cas depuis 1801, date de création de cette institution financière. L’état est alors dans l’obligation d’aller emprunter sur les marchés financiers privés à 4 ou 5%. En réalité, si la France avait continué à se financer à taux 0 auprès de la banque centrale française, sa dette serait, à ce jour, d’à peine 16%. Cette “mode” de la fin des années 70 se généralise partout en Europe, qui se fera un devoir de rendre impossible tout emprunt d’un état membre auprès de la Banque Centrale Européenne. En clair et sans décodeur, cela signifie que la France et les états d’Europe, privatisent leurs budgets, donc leurs économies toutes entières. Incroyable non? Et c’est exactement ce que vous vous dîtes à ce stade. A gauche pour de vrai! on comprend votre incrédulité. Pourtant, cette analyse ce n’est pas nous qui la faisons, ni un communiste, ni même un socialiste, mais un libéral productiviste convaincu: Michel Rocard. La preuve se trouve juste là, sous vos yeux et ne vous prendra que 2 minutes de votre temps.
Le lecteur averti aura, dès lors, compris pourquoi à la même époque, le mode de calcul des dettes souveraines change. On ne divise plus le montant de la dette par la durée totale du remboursement mais par une seule et unique année de création de richesses. Ainsi, on fabrique artificiellement des états surendettés, que l’on culpabilise de consommer de manière compulsive. L’objectif est double:
- aliéner les états aux marchés financiers privés, via la menace de mise en faillite s’ils devaient décider de ne plus rembourser, en contractant des emprunts à taux d’intérêts encore plus élevés lorsqu’ils sont en situation difficile… Difficulté tout à fait artificielle car le niveau de dette est lui même artificiel. Il s’agit de la logique du surendettement du ménage qui contracte des prêts à la consommation à 18% pour rembourser son emprunt immobilier à 5%…
- obliger les états à privatiser le patrimoine public, soit en vendant des activités publics, soit en contractant des “Partenariats Public Privé” pour construire un ministère, un hôpital…bref un service public. Les délégations de services publics s’inscrivent totalement dans cette logique de privatisation dictée par un postulat faux et archi faux: l’état est en situation de faillite.
Non, la France, comme la Grèce, comme l’Espagne, comme le Portugal…n’est pas en faillite. Car la dette qu’on lui colle sur le dos, comme sur celui des autres états, n’est pas légitime, aussi bien par son mode de calcul que par les raisons qui ont fait “gonfler” les dettes souveraines, comme des bulles financières. Or, tout le monde sait désormais que la création de bulles financières est la matière première des marchés spéculatifs dont la mission n’est absolument pas de contribuer au développement économique et social d’un pays, mais de générer des rendements de rémunérations conformes aux attentes des détenteurs de titres. Pour cela il faut des hyper consommateurs pour écouler des hyper productions. Peu importe l’impact social et environnemental. On commence à comprendre les raisons du productivisme forcé dans lequel les états à idéologie libérale s’engouffrent et s’engluent. On commence à comprendre pourquoi leur matrice économique ne peut être que la politique de l’offre qui sert à encourager toujours plus de production, l’endettement des ménages et des états servant à l’arrivée d’éponge absorbante de cet hyper productivisme. La crise des “Subprime” suit exactement ce mécanisme de dérégulation totalement frénétique, compulsif et maladif.
Non, la France n’est pas en faillite pour de vrai! Cette menace, cette peur brandie ne sert qu’à renforcer l’aliénation des états et de leurs citoyens consommateurs “écouleurs” de stocks à rembourser une dette, qui, pour son immense part, est totalement virtuelle, une véritable bulle financière. Alors l’audit de la dette c’est maintenant!
Sydne93